dimanche, avril 26, 2020

L'archipel français

De Jérôme Fourquet

Editions du Seuil - 22€ - 384 pages

En quelques décennies, tout a changé. La France, à l'heure des gilets jaunes, n'a plus rien à voir avec cette nation soudée par l'attachement de tous aux valeurs d'une république une et indivisible. Et lorsque l'analyste s'essaie à rendre compte de la dynamique de cette métamorphose, c'est un archipel d'îles s'ignorant les unes les autres qui se dessine sous les yeux fascinés du lecteur.

C'est que le socle de la France d'autrefois, sa matrice catho-républicaine, s'est complètement disloqué. Jérôme Fourquet envisage d'abord les conséquences culturelles et morales de cette érosion, et il remarque notamment combien notre relation au corps a changé (le développement de certaines pratiques comme le tatouage et l'incinération en témoigne) ainsi que notre rapport à l'animalité (le véganisme et la vogue des théories antispécistes en donnent la mesure). Mais, plus spectaculaire encore, l'effacement progressif de l'ancienne France sous la pression de la France nouvelle induit un effet d'archipélisation " de la société tout entière : sécession des élites, autonomisation des catégories populaires, formation d'un réduit catholique, instauration d'une société multiculturelle de fait, dislocation des références culturelles communes.

À la lumière de ce bouleversement anthropologique, on comprend mieux la crise que traverse notre système politique : dans ce contexte de fragmentation, l'agrégation des intérêts particuliers au sein de coalition larges est tout simplement devenue impossible. En témoignent, bien sûr, l'élection présidentielle de 2017 et les suites que l'on sait...

Cette exploration inédite de la France nouvelle est fondée sur la combinaison originale de différents outils (sondages, analyse des prénoms, géographie électorale, enquête-monographie de terrain), méthode permettant de demeurer au plus près de l'expérience de celles et de ceux qui composent la société française d'aujourd'hui.

Ce livre est passionnant.

Au travers de l'analyse des résultats des dernières élections, l'auteur dresse une France de moins en moins homogène socialement et explique les raisons du vote des français, à la fois la montée du RN, de LREM et de LFI mais également l'effondrement du PR et du PS. D'ailleurs en ce qui concerne le PS, le diagnostic est sans appel et il finira comme le PC.

Le constat dressé est aussi une explication du phénomène des gilets jaunes, très marqué sociologiquement et territorialement, et électoralement très proche du RN. 

En conclusion, l'auteur déduit de son analyse que le macronisme a ressuscité la lutte des classes (les gagnants et les perdants de la mondialisation) à la place de l'affrontement traditionnel gauche-droite. La crise du COVID19 nous dira si cette analyse se confirme.

lundi, avril 13, 2020

L'art de perdre

D'Alice Zeniter

Editions Flammarion - 22€ - 506 pages

L'Algérie dont est originaire sa famille n'a longtemps été pour Naïma qu'une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ? Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu'elle ait pu lui demander pourquoi l'Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l'été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l'Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ? Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l'Algérie, des générations successives d'une famille prisonnière d'un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d'être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.

Il y a un peu du Le Clézio dans cette recherche de ces racines algériennes et Kabyle. Cette histoire se déroule sur trois générations, chacune ayant une attitude différente vis à vis de ses racines. C'est passionnant et très réaliste ; un seul regret, la fin du livre est un peu abrupte alors qu'elle aurait méritée une cinquantaine de pages de plus.

Julie Manet, la mémoire impressionniste

Musée Marmottan du 19 octobre 2021 au 20 mars 2022 Le musée Marmottan Monet organise la première exposition jamais consacrée à Julie Manet,...